Sur un tango























 Sur un tango

Langueur du temps sur la volupté de l'instant :
Ses longues jambes soyeuses en bas couture
Se croisent et se décroisent sous une allure
Nonchalante, les pas rythmés sur son cœur battant.

Lors d'une nuit orageuse entre deux averses,
Seule au milieu d'une rue sous mille lueurs,
Elle avance noyant son reflet aux couleurs
Des enseignes lumineuses qui se déversent

Sur l'humide pavé où résonnent ses pas.
L'orage gronde cette insolente chaleur
Qui règne depuis des jours et traîne en longueur.
Il la dessine en ombre au mur sous ses éclats.

Femme si charmante en élégante tenue,
Robe fourreau jusqu'aux genoux, rose pastel,
Couleur assortie à sa veste de flanelle,
Laissant apparaître ses petits seins menus

Et gracieux flottant sous son chemisier de soie.
Sur le balancement langoureux de ses hanches,
Quelques curieux à l'appui des balcons se penchent,
Espérant d'elle un regard, mais nul n'en reçoit.

Entre ses doigts sous une fine broderie,
Posé à ses lèvres pourpres et satinées,
Elle tient un fume-cigarette argenté,
Dont elle use comme objet de coquetterie.

Un léger voile de fumée s'échappe et glisse
Au bord de ses lèvres et sur sa peau nacrée,
Mêlant à l'âcre fumée son parfum sucré.
Un atout de plus à ses nombreux artifices.

Sous la clarté vacillante d'un réverbère
Une silhouette masculine l'attend.
La foudre déchirant le ciel au même instant
Étire leurs ombres comme pour s'en défaire.

Dénouant son chignon d'un geste gracieux,
Elle libère ses longs cheveux blond ambré.
Au dessus d'eux, le ciel de nuages encombré
S'effondre à nouveau sous un voile pluvieux.

S'approchant doucement de l'élégante dame
Dans l'atmosphère orageuse de cette nuit,
La silhouette déploie un noir parapluie.
Elle l'embrasse, comme seule embrasse une autre femme.